Les livres invendus, acteurs d’un nouveau modèle économique
Les livres invendus, acteurs d’un nouveau modèle économique https://expodif.fr/wp-content/uploads/2022/03/livre-ouvert.jpg 1024 512 Expodif //expodif.fr/wp-content/uploads/2020/06/expodif-blue-logo@2x.pngQue nous soyons lecteurs ou professionnels du livre en devenir, nous pensons connaître a minima le circuit d’un livre. Mais finalement, si nous avons entendu parler des éditeurs, des distributeurs et des vendeurs, que savons-nous d’autres ? Par exemple, savez-vous ce que deviennent les livres invendus soldés ? Savez-vous que les livres invendus deviennent les acteurs d’un nouveau modèle économique en réintégrant le marché du livre ?
Après un rappel sur le circuit de commercialisation du livre, nous allons parler du livre invendu. Vous allez découvrir qu’une seconde vie commerciale est possible pour lui, notamment grâce aux grossistes spécialisés dans le livre déstocké.
La commercialisation du livre : petit rappel
Le marché du livre, aux yeux de la majorité, fonctionne en quelque sorte en circuit fermé.
Schématiquement, c’est :
- une mise sur le marché des livres ;
- des ventes ;
- des stocks de livres parfois invendus retournés à l’éditeur.
Les acteurs de la commercialisation du livre semblent être les mêmes. Nous avons un flux aller avec :
- Des éditeurs sélectionnent les livres qu’ils souhaitent diffuser, les mettent en forme et les font imprimer.
- Des diffuseurs qui s’occupent de toutes les démarches commerciales du livre auprès des différents réseaux (librairies, hypermarchés, grandes surfaces culturelles…). C’est lui qui définit, avec l’éditeur, le nombre d’exemplaires à diffuser et qui prend les commandes.
- Des distributeurs sont chargés de toute la logistique de distribution des livres. Ce sont eux qui stockent, emballent, transportent les livres et gèrent les flux financiers associés.
Dans le cadre des stocks de livres invendus issus des réseaux de vente, nous retrouvons quasiment les mêmes intervenants. Nous parlons alors d’un flux retour avec :
- Les vendeurs qui, sous certaines conditions spécifiées plus bas, ont un droit de retour des livres invendus.
- Les distributeurs qui sont les intermédiaires des éditeurs et qui s’occupent des retours.
Qu’est-ce qu’un livre invendu ?
Un livre invendu est retourné par les réseaux de vente aux éditeurs. 2 raisons possibles :
- soit des retours libraires sous conditions définies par leur droit de retour ;
- soit des arrêts de commercialisation décidés par l’éditeur, nous parlons alors de livre qui n’est plus soumis à la Loi Lang.
À cette première source, viennent s’ajouter les surstocks de livres invendus qu’on trouve chez les distributeurs. Ces ouvrages n’ont jamais été mis en vente dans les réseaux de distributions.
Le droit de retour des livres
Le droit de retour des livres invendus est une pratique commerciale. Il autorise les vendeurs à retourner les ouvrages neufs non vendus aux éditeurs sous conditions.
Sont concernés par ce droit de retour :
- L’office. L’office est notamment défini par le protocole sur les usages commerciaux de 2008 appelé protocole Cahart.
- Le noté, autrement dit les livres de l’office commandés en sus par le vendeur.
Les règles de retour sont clairement spécifiées :
- Les livres ne doivent pas être détériorés ou marqués, idem pour l’emballage.
- Le retour doit s’effectuer dans le délai mentionné dans les conditions générales de vente (CGV) signées le distributeur.
- Seuls les livres exposés depuis plus de 2 mois par le point de vente peuvent être retournés.
Les livres en arrêt de commercialisation ou livres soldés
Comme évoqué, un éditeur peut choisir de stopper la vente de certains ouvrages. C’est ce que l’on appelle des livres en arrêt de commercialisation. Ces livres quittent en conséquence le marché du livre traditionnel. Ils sont retirés des catalogues et peuvent ne plus être vendus au prix fort. La politique du prix unique n’est alors plus applicable.
Dans le cas d’un solde total, l’éditeur doit en informer l’auteur. Si ce dernier n’exerce pas son droit de préemption, le reliquat des tirages peut être revendu à des soldeurs professionnels.
– Revente de livres en arrêt de commercialisation et économie circulaire
Cette pratique de revente de livres en arrêt de commercialisation a longtemps divisé les éditeurs. Certains y voient l’aveu d’un échec quant à leur stratégie et leurs choix d’édition. Ils pensent cette pratique délétère pour le marché traditionnel. Tandis que d’autres, en grande majorité, envisagent le solde comme une seconde chance pour les livres et une manière d’être diffusés vers des réseaux différents.
La revente de livres soldés s’inscrit parfaitement dans une pensée et une démarche éthique. Les grossistes, comme nous, défendons les principes de cette économie circulaire vertueuse, culturellement et écologiquement. Nous favorisons l’accès à la lecture pour tous, tout en limitant le gaspillage de livres produits pour finalement être détruits.
– L’achat de livres soldés chez des grossistes professionnels
L’achat de livres soldés chez les grossistes professionnels est une aubaine pour les revendeurs. Elle facilite également l’émergence d’un modèle économique circulaire. Dans un marché du livre extrêmement régulé, l’achat de livres invendus a deux gros avantages :
- l’achat de ce type de livres neufs à prix réduit et donc un investissement en amont moins important ;
- la politique du prix unique ne s’appliquant plus, la possibilité de vendre les livres au prix souhaité.
Où vont les livres invendus ?
Les éditeurs ont le choix quant à la gestion des livres invendus. En effet, les retours peuvent être :
- pilonnés ;
- réintégrés dans le stock du distributeur puis éventuellement façonnés pour être redistribués ultérieurement ;
- stockés dans l’attente de la décision de l’éditeur.
Qu’est-ce que la mise au pilon des livres ?
La mise au pilon des livres est autrement appelée la destruction des livres. La destruction peut être :
- Totale, le livre n’est alors plus du tout disponible sur le marché.
- Partielle dans le cas de livres défraîchis, abîmés ou présentant des défauts d’impression.
En avril 2021, le Syndicat national de l’édition (SNE) a mené une enquête sur les tonnages de livres transportés dans l’édition. En moyenne, entre 2018 et 2020, 26 300 tonnes de livres ont été pilonnés. Le taux de pilon sur les livres invendus baisse régulièrement depuis 2018 et 100 % des livres pilonnés partent au recyclage.
Que deviennent les invendus stockés par l’éditeur ?
Toujours selon l’enquête du SNE, sur ces 3 dernières années, la moyenne du taux des livres neufs rendus aux éditeurs est de 2,6 %. Un certain pourcentage d’entre eux, voire la totalité dans certains cas, sont stockés par les éditeurs. C’est ce que l’on appelle aussi les “retours triés”.
Ces ouvrages stockés peuvent être :
- soit pilonnés par la suite ;
- soit revendus à des grossistes de livres invendus (ou soldeurs).
La clientèle des grossistes en livres invendus, aussi nommés soldeurs professionnels, se compose entre autres :
- de bouquinistes ;
- des bibliothèques et médiathèques ;
- de vendeurs sur les sites marchands.
Nous l’avons vu plus haut, le pourcentage de livres pilonnés diminue constamment sur ces 3 dernières années. Il semblerait qu’elle résulte d’une gestion plus vertueuse des tirages et des stocks par les éditeurs, mais pas uniquement.
Nous avons parlé de ces nouveaux acteurs qui ont intégré le marché du livre : les grossistes en déstockage de livres neufs. Ces derniers s’imposent depuis une dizaine d’années et contribuent de plus en plus au développement d’une économie circulaire. Ils offrent une seconde vie des livres invendus suite à un arrêt de commercialisation.
En conclusion, les grossistes en livres neufs invendus contribuent à un système économiquement, culturellement vertueux. Grâce au partenariat étroit entre éditeurs et soldeurs, le livre échappe à la destruction et devient accessible à tous. Tous les acteurs du marché du livre, des éditeurs aux vendeurs, ont compris l’intérêt de s’inscrire dans ce système économique circulaire.